Tuesday, 20 May 2008

Nous répondrons aux armes par les armes », affirment les habitants du Chouf


À défaut d’assurances solides et d’un accord politique de base
«
L'article de May MAKAREM


Enchâssé dans un cadre magnifique de montagnes et de forêts où la nature affiche toute son exubérance et où les genêts, comme des milliers d’étincelles, fusent en gerbes dorées, le Chouf semble enrobé dans une atmosphère de paix et de tranquillité. Impression trompeuse. « Tant que le Hezbollah a ses armes, la situation sera dangereuse. Nous restons vigilants et gardons l’œil ouvert », disent les habitants, se remémorant cette nuit de dimanche à lundi (la nuit du 11 mai), lorsque leurs regards étaient tournés vers Aley et Choueifate avant que la chaîne al-Manar n’annonce la « chute » de plusieurs villages du Chouf « entre les mains des moujahidine du Hezbollah ». L’information frappe comme un coup de fouet. C’est d’abord le choc ; quelques minutes de silence. Le désenchantement. Mais vite, très vite, l’âme druze s’enflamme. Cela a un nom, et cela autorise tous les espoirs, centuple tous les sursauts. Cela s’appelle la fibre druze. « Tout comme nous, les partisans du Parti démocrate de Talal Arslane se sont mobilisés pour défendre leurs maisons et leurs familles, l’unité et la dignité de la région », ajoutent-ils.
Aujourd’hui, la stupeur laisse la place à la colère et le même cri retentit : « Nous demandons des assurances solides et une solution politique. C’est la seule garantie contre les abus et les conflits. À défaut, aux armes, nous répondrons par des armes. Nous refusons d’être persécutés. »
Le 11 mai au soir, dans de nombreuses localités, les portes étaient restées ouvertes et les téléphones sonnaient dans le vide. Hommes, femmes et enfants, armés de kalachnikovs, de fusil de chasse, de couteaux ou de bêches, se sont déployés dans les rues. Les uns se postant à l’entrée des villages et à l’orée des bois « pour contrer toute tentative d’attaque », les autres convergeant vers Moukhtara, où plusieurs centaines de villageois s’étaient rassemblés devant le palais du leader druze, Walid Joumblatt. Ils réclamaient aux gardes de Joumblatt des munitions, hurlant qu’il y avait « la sécurité du Chouf à assurer » et « l’honneur à préserver », racontent un membre du conseil municipal et plusieurs témoins.
« La détermination était à son paroxysme. C’était impressionnant, mais pas particulièrement confortable car la tension montait d’un cran à chaque fois que je disais que je n’avais pas d’armes à distribuer. Ils ont dû se faire violence pour surmonter leur colère. Finalement, ils se sont dispersés pour rentrer chez eux et monter la garde autour de leurs quartiers », indique un responsable proche du leader druze.
Entre-temps, « des combattants issus de différents villages du Chouf étaient arrivés sur la ligne du front (les hauteurs du Chouf) et menaient une bataille féroce pour bloquer l’avancée du Hezbollah ». Ils étaient épaulés par une brigade de cheikhs druzes en « chéroual » kaki, coiffés d’une « alloussi » blanche, le front cerné d’un mouchoir. Ils arrivaient de partout en « psalmodiant des cantiques religieux qui, dans la nuit, résonnaient comme une menace. C’était surréaliste », indique une des personnes qui ont participé au combat à Mresti. Elle raconte que les habitants se sont retrouvés confrontés « à plus de 130 miliciens du parti de Dieu, armés de canons de mortier de 82 millimètres, de RPG, de mitrailleuses lourdes et de DCA 500 ». Selon ce témoin, les miliciens du Hezbollah, qui étaient à bord de 33 Cherokee, sont arrivés dans la zone qui s’étend entre le Barouk, au nord, et Toumat Niha, à l’ouest, en passant par Maasser, Mresti et les différentes zones surplombant le Chouf et Jezzine. « Ils avaient emprunté une route sablonneuse aménagée en 1982 par l’armée israélienne, reliant le Chouf à la Békaa, et ont ouvert les hostilités en bombardant des postes émetteurs appartenant à la LBCI et à Télé-Liban. Les affrontements ont duré plus de trois heures, faisant une vingtaine de morts et de blessés parmi les miliciens, et trois blessés dans les rangs des habitants. »
La nuit du 11 mai restera une date ancrée dans la mémoire de ce petit de 12 ans qui, muni d’un fusil de chasse, a accompagné son père dans la cédraie du Barouk. Encore ahuri par son aventure, cillant des paupières comme s’il venait de se réveiller, il raconte qu’il a voulu « donner un coup de main »... ou de gâchette. Sa maman implore « Dieu Tout-Puissant de ne plus revivre les heures d’angoisse » passées à attendre le retour de ses deux hommes. Un de leurs voisins n’est jamais rentré chez lui. « Âgé de 20 ans, il vient de succomber à ses blessures après plusieurs jours de coma », indique le directeur de l’hôpital Aïn-Zein, Dr al-Imad, signalant aussi que des « balles phosphorescentes » ont été utilisées au cours des affrontements.

May MAKAREM

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